Abraham Kahn est né le 3 mars 1860 à Marmoutier, dans le Bas-Rhin ; il est l’aîné de six enfants (deux sœurs sont décédées en bas âge). Sa famille appartient à une petite communauté de commerçants juifs. Son père est marchand de bestiaux. Sa mère décède alors qu’il n’a que dix ans, quelques mois seulement avant le début de la guerre qui aboutira à l’annexion de l’Alsace-Moselle par l’Allemagne. Il décide de monter à Paris à 16 ans, où il reprend la nationalité française et change son prénom pour se faire désormais appeler Albert.
Il travaille d’abord pour un magasin de confection de vêtements rue du Faubourg Montmartre, puis entre modestement en tant que commis à la banque des frères Charles et Edmond Goudchaux, cousins éloignés et héritiers d’une banque lorraine.
Sa perspicacité et sa combativité le conduisent rapidement au poste de fondé de pouvoir, puis d’associé. En quelques années, de 1889 à 1893, il bâtit une fortune en spéculant tout d’abord sur les mines d’or et de diamants d’Afrique du Sud. Parallèlement, il collabore à des syndicats de placement dans des projets industriels ou des emprunts internationaux (japonais, sud-américains). En 1892, il devient associé des Goudchaux, puis monte sa propre banque en 1898. Il a alors 38 ans.
Tout en gagnant sa vie, il veut reprendre ses études et cherche un répétiteur pour le soutenir dans son effort. Il devient en 1879 le premier élève d’Henri Bergson, fraîchement entré à l’École normale supérieure. Les deux jeunes gens se lient d’amitié et resteront en contact leur vie durant. Aussi Kahn lui écrit-il, en 1887, que la réussite en affaires « n’est pas son idéal ».
Fortune faite, il se lance en effet dans la création de son projet philanthropique. Il s’intéresse aux questions politiques et sociales qui traversent son époque et cherche à mettre en place des lieux de réflexion et de débat, désireux de donner aux hommes les moyens de mieux se connaître. Voir, savoir, prévoir : Albert Kahn milite pour le rapprochement entre les peuples en insufflant l’esprit international dans son réseau d’élites éclairées. À partir de la création de différentes fondations (il en crée une dizaine entre 1898 et 1932), il cherche à appréhender l’humanité dans sa complexité, convoquer tous ses aspects (biologique, sociologique, politique, économique, géographique...) et favoriser le décloisonnement disciplinaire. Il lance à partir de 1909 son projet d’inventaire visuel du monde : Les Archives de la Planète.
Cette archive visuelle documentaire s’inscrit elle-même dans un projet plus global initié en 1898, avec les Bourses de Voyages Autour du Monde, données à l’Université de Paris, qui accordent à de jeunes agrégés un financement sur concours afin qu’ils réalisent un voyage de quinze mois dans un pays étranger, pour qu’ils prennent « réellement contact avec la vie ». A partir de 1905, Albert Kahn ouvre ces bourses aux femmes agrégées, et sur cette lancée, crée la Société Autour du Monde en 1906, société destinée à favoriser les échanges entre les anciens boursiers et l’élite internationale. En 1914, il initie la création du Comité du secours national, qui prête assistance aux populations civiles victimes de la guerre. En 1916, il fonde le Comité national d’études sociales et politiques, où des intellectuels se rassemblent en vue d’éclairer les autorités par des travaux d’analyse sur des problématiques d’actualité. En 1918, il publie un manifeste en faveur de la prévention des conflits, intitulé Des droits et devoirs des gouvernements et crée un premier centre de documentation sociale à l’Ecole Normale Supérieure en 1920. A partir de 1926, il accueille le laboratoire de biologie et cinématographie scientifique dirigé par le docteur Jean Comandon sur sa propriété.
« Nos fondations, conçues, ébauchées ou réalisées depuis 1897, ont eu en conséquence pour objet d’enregistrer [l’activité universelle] en vue d’en dégager l’esprit et delà, grâce à la Documentation ainsi constituée, de guider les Aspirations de l’Homme », Albert Kahn, Nos Fondations, 28 mars 1932.
Au début des années 1930, les conséquences du krach de Wall Street entraînent sa ruine et mettent un coup d’arrêt à l’ensemble de son action. (source : https://albert-kahn.hauts-de-seine.fr/le-musee/biographie-dalbert-kahn).